Body-positive & auto-discrimination

Comment un projet non-discriminant pourrait être discriminatoire malgré lui ? Tout simplement par l’auto-censure. L’idée de base du projet Symbiose est de magnifier, avec un regard sain, tout type de corps. Indépendamment de l’âge, de la configuration (personne seule, couple, famille…), de la taille, du poids, de l’apparence. Paradoxe, forcément, cela mène tôt ou tard à rechercher des sortes de « quotas ». Ce n’est là qu’une contradiction apparente. S’il y a une trop grande majorité de personnes seules, je vais rechercher davantage de familles. S’il n’y a presque que des participantes, je vais m’ouvrir davantage aux participants. Et cétéra.
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Cette volonté a été en grande partie comprise. Je prends grand plaisir à body-painter puis voir photographier des modèles éloignés des standards classiques du mannequinat. Mon propre regard en évolue, session après session. L’art est alors au-delà de tout point de vue personnel. Trop d’artistes font passer leurs propres « fantasmes » avant le reste. C’est pour cela que la photo de nu est en général autant jolie que banale et sans âme. L’artiste lambda, en particulier l’artiste-photographe, est généralement un homme hétéro ravi de « dénuder » de belles jeunes filles.
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Nos propres pensées nous limitent et nuisent à nos créations. Faire de l’art, c’est dépasser notre instinct animal pour atteindre l’universel. Pourtant, je reste moi-même une personne lambda. En tant qu’homme hétéro, j’ai une préférence naturelle, comme à peu près tous mes semblables, pour les femmes fines entre 20 et 35 ans. Je suis juste conscient que laisser mon instinct mener la barque ferait perdre tout intérêt au projet.
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Mais un autre souci plane, séjour après séjour : malgré l’approche, le discours et la mise en confiance, de nombreux modèles potentiels se discriminent eux-mêmes. Parmi eux, ceux qui osent le moins sont les grandes tailles et les personnes âgées. Un problème que je pensais momentané, et qui s’avère en fait très persistant.
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Ce n’est pas qu’absolument tout type de personne séjourne en lieux naturistes. Pour exemple, je ne peux regretter que les personnes au faciès asiatique ne passent pas nous voir sur les séjours : elles séjournent ailleurs ! (Je n’ai jamais bien compris pourquoi). Malheureusement, il est donc logique de ne pouvoir, pour l’heure, les compter dans ce projet. – Il faudra prendre le taureau par les cornes.
Par contre, personnes âgées et tailles larges (notamment défendues par le site The Body Optimist) passent souvent devant le stand de présentation Symbiose. L’un l’ignore, l’autre jette un œil, voire discute un peu… rarement davantage.
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Le mouvement body positive cherche à faire changer le regard de la société. Mais le combat pourrait être plus intérieur qu’il n’y paraît. Il pourrait également (avant tout ?) s’agir d’une démarche de développement personnel. Songer à un regard qui ne soit pas fixé uniquement sur les limitations de l’autre, mais aussi sur celles de soi-même. Toutes ces barrières que l’on se bâtit au jour le jour.
Changer son regard sur soi, apprendre à s’aimer véritablement. Le phénomène n’est pas nouveau : le mouvement body positive lui-même connaît ses contradictions, comme si, plutôt que de prôner l’acceptation de tout corps, il se destinait à mettre en place de nouveaux standards de beauté, sans même qu’ils soient nécessairement plus étendus que les anciens. Même les campagnes de modes et lingeries orientées body positive sélectionnent les modèles en fonction du sex appeal, de leur côté sexy et expressif. Si en plus de cela on se discrimine, il y a encore bien du chemin à parcourir.
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Voyons le bon côté : nous sommes aux prémisses, peut-être bien, d’un nouveau monde où tout reste à définir et à améliorer. C’est en remettant nos principes et habitudes en question que nous parviendrons à évoluer. Pourquoi ne pas commencer dès à présent ? Allez… aimez-vous vous-même !

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